Mercredi 13 septembre 2017
Lettre ouverte au Roi des Belges, au premier ministre, au gouvernement fédéral, au directeur de la Croix Rouge Belgique
Sir,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur Hublet,
Lorsque j'ai visité le camp Royallieu le lundi 28 août, je me suis dit que ces endroits de mémoire existaient afin que nous puissions prendre conscience des erreurs du passé. J'ai eu la même réflexion en visitant Auschwitz en 2015 et Struthof en 2016. Les premiers prisonniers de ces nombreux camps furent des hommes et des femmes opposants aux régimes en place pour ensuite augmenter avec les juifs, les minorités ethniques, ... On connait le traitement qui leur fut réservé avec pour la majorité une mort horrible.
Quand on regarde par le hublot de notre société, on aperçoit au large une marée humaine rejoindre nos côtes. Elle fuit un régime totalitaire, un climat meurtrier, des conditions de vie inhumaines. La sécheresse et les ouragans ne vont rien arranger. Ces populations parcourent terre et mer sans faiblir, persuadées que la vie les attend de l'autre côté, sur le quai. Sinon, ils ne risqueraient pas la leur.
Ces hommes et ces femmes ont entendu parler des droits de l'homme ; il parait qu'en Europe, la convention est respectée. Ils pourront vivre et assurer leurs besoins premiers car il faut l'avouer, ils sont totalement en décalage avec nos besoins, ceux de savoir où nous partirons en vacances ou quel produit est le plus efficace pour mincir, mais ils sont prêts pour le grand voyage qui va les mener vers l'humanité, la vraie, celle qui respecte les hommes et les femmes, quelles que soient leur couleur, leur origine, leur opinion politique ou condition sociale.
Oui, c'est certain, chez nous, ils trouveront une place, ils ne sont pas gourmands. Ensuite ils pourront travailler, on a toujours besoin de main d'oeuvre et ils sont courageux, ils veulent vivre et ça n'a pas de prix. Lorsque je suis allée au parc Maximilien pour aider les bénévoles à la distribution des repas, j'ai eu l'occasion d'échanger avec ces hommes et ces femmes. Comment vous décrire la honte que j'ai ressenti en quittant le parc pour retourner dans mon foyer douillet en sachant que ces hommes dormaient à même le sol, qu'une jeune dame passait ses journées dehors avec un bébé ?
Oui, nul doute qu'ils pensent trouver un avenir meilleur. Et pourtant....
Chez nous, ils vont se heurter au rejet, au mépris, à l'indifférence et la haine. Depuis quelques jours, les rafles s'intensifient gare du Nord. Je pensais ce mot jeté aux oubliettes de la seconde guerre mondiale, pauvre naïve que je suis. Mais je ne suis pas la seule, des milliers de citoyens s'indignent du sort qu'on réserve aux migrants venus chercher un peu d'humanité chez nous. Des centaines de citoyens se mobilisent chaque jour pour leur apporter un bout de pain. Mais je rêve ? Nous sommes en 2017, dans la capitale de l'Europe et nous n'avons jamais été si riches. Mais je rêve !
Messieurs les dirigeants, quand allez-vous prendre toute la mesure des atrocités qui sont commises en ce moment ? Laisser ces pauvres gens sans aucune aide humanitaire est criminelle. Je refuse d'entrer dans la polémique et pointer des coupables, je veux juste, comme tant d'autres, un sursaut d'humanité et trouver des solutions aussi :
En ma qualité de femme de paix, je demande de toute urgence qu'un bâtiment à Bruxelles soit mis à disposition des migrants afin qu'ils puissent dormir à l'abri, que les associations puissent leur apporter le strict nécessaire pour vivre, qu'on puisse leur donner toutes les informations pour introduire une demande d'asile.
Je demande à la Croix Rouge de mettre en pratique ses fondements de neutralité et d'humanité pour venir en aide à ces populations en danger, de leur apporter les soins et les besoins de première nécessité.
Je demande au premier ministre d'agir sans délai et de donner ordre aux ministres en charge de cesser toute action de répression envers ces minorités.
Je demande au Roi un soutien à ces actions urgentes.
Je refuse de laisser faire, honte à celui qui laisse faire. Qui sommes-nous pour être aussi méprisants envers l'autre alors que nous avons les moyens et des dizaines de locaux vides pour les accueillir avec un minimum de dignité. On est tous des êtres humains et nos cœurs ont tous la même couleur.
Et si c'était nous ?
Merci de votre attention
Betty Batoul, Femme de paix
Militante des droits humains